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© Stéphane Compoint
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Paris n’a jamais pensé à jucher sa tour Eiffel sur le toit de la prison de la Santé. Idée trop saugrenue ? Pendant la guerre de Cent Ans, elle a pourtant traversé l’esprit des bourgeois de Béthune. Arrachant à leur seigneur l’autorisation de construire une geôle pour les voleurs de poules, ils ont dressé une tour qui ressemble davantage à un phare qu’à un cachot. Plusieurs fois secouée (l’édifice en bois de 1346 a été rebâti en grès en 1388), scalpée (en 1918) mais toujours fière comme un étendard. Et redonnant courage à la ville chaque fois que son étoile a pâli. Peut-être parce que le panache de Buridan et celui de d’Artagnan hantent encore l’escalier à vis. Le premier n’est pas qu’un héros de roman. Selon la tradition locale, c’est en croisant un baudet sur le chantier du beffroi que ce philosophe du cru aurait eu l’intuition de l’argument de l’âne se laissant mourir d’indécision entre un picotin d’avoine et un seau d’eau. La fable colle assez mal avec l’impression de force dégagée par ce rude monument rescapé des bombardements de la Grande Guerre pour donner l’élan de la reconstruction. Les échevins de ce siècle-ci ne rémunèrent plus de guetteur. Ils n’en surveillent pas moins la grande banlieue de Lille qui avance, redoutant de s’y noyer. Alors, une fois de plus, ils se tournent vers leur beffroi rajeuni par les lumières pop art d’un plasticien néerlandais. Béthune reprend des couleurs.
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